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Nouveautés en matière d’accroissement d’impôt

Alice van Oldeneel, 24 oct 2025

Pourquoi votre comptable insiste-t-il tellement sur l’importance de lui transmettre à temps l’ensemble des documents nécessaires à l’établissement de votre déclaration fiscale ? C’est simple : si votre déclaration n’est pas déposée, ou si elle est déposée en retard, si elle est incomplète ou inexacte, l’article 444 du Code des impôts sur les revenus couplé avec l’article 225 AR/CIR fixent un accroissement d’impôt à hauteur de 10% à 200%... et l’administration fiscale s’en donne à cœur joie. Toutefois, suite à la modification de l’article 444, depuis le 29 juillet 2025 cela pourrait changer.

 

I. Ancienne règle

Selon l’article 444 CIR92, al. 3, « En l’absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10% d’accroissement ». Cette simple phrase laissait un important pouvoir discrétionnaire à l’administration fiscale, qui appliquait cet accroissement minimal (trop) souvent. Non seulement le contribuable était alors sanctionné et payait davantage d’impôts, mais en plus, cet accroissement engendre automatiquement l’impossibilité de déduire certaines pertes fiscales et déductions pour investissement, règle qui n’est d’ailleurs pas modifiée à ce jour et qui persiste malgré la modification de l’article 444 exposée ci-dessous. Le 21 novembre 2024, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la constitutionnalité de cette restriction de déductions. Comment la Cour aurait-elle pu les considérer comme contraire à la constitution, puisque ces restrictions ne sont d’application que quand un accroissement s’applique et que ce dernier ne s’applique qu’en cas de mauvaise foi ? C’était sans compter sur la vision et l’application du fisc de cette base légale…

 

II. Nouvelle règle (à partir du 29/07/2025)

A.   Principe

Le nouvel article 444 CIR92 instaure ceci : « Il est renoncé à l’accroissement d’impôt pour la première infraction commise de bonne foi. La bonne foi est, jusqu’à preuve du contraire, présumée exister dans le chef du contribuable qui a commis une première infraction, sauf en cas d’application de l’article 351 [l’imposition d’office] ». D’apparence claire, si le contribuable agit de bonne foi et commet une première infraction, il n’y a pas d’accroissement d’impôt, cette phrase mérite toutefois d’être attentivement décortiquée. Notez que ce n’est pas un accroissement de 0% d’impôt qui s’applique.

Dans l’hypothèse où la première infraction commise de bonne foi n’est pas sanctionnée d’un accroissement d’impôt de 10%, il n’en demeure pas moins que l’infraction suivante sera belle et bien sanctionné à hauteur de 20%. Pour cette deuxième infraction, la bonne foi n’influence plus. Pour rappel, l’ardoise du contribuable est remise à 0 lorsqu’il ne commet aucune infraction 4 années fiscales consécutives. A bon entendeur…

 

B. Quand l’accroissement d’impôt minimal de 10% s’applique-t-il encore ?

1° En cas de première infraction, un accroissement d’impôt de 10% sera appliqué par l’administration fiscale dès qu’elle renversera la présomption de bonne foi du contribuable, sans toutefois que le contribuable ait eu l’intention d’éluder l’impôt (auquel cas, l’accroissement est de 50% en cas de première infraction). Tout le débat va donc désormais se jouer sur la question de la bonne ou de la mauvaise foi.

2° Un accroissement d’impôt de 10% sera aussi appliqué lorsque le contribuable se voit imposé d’office (notification d’imposition d’office), car on considère dans ce cas qu’il n’est pas de bonne foi. La charge de la preuve incombe alors au contribuable qui devra démontrer sa bonne foi et convaincre l’administration fiscale sur ce point.

Par conséquent, cette modification d’apparence simple et de bon augure pour le contribuable, laisse encore entre les mains du fisc un pouvoir d’appréciation : le contribuable est-il réellement de bonne foi ?

 

III. Arguments possibles en cette période de transition ?

Le caractère pénal de l’accroissement d’impôt implique un détour par l’article 2, al. 2 du Code pénal qui instaure le principe suivant : « Si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée. »

Ainsi, si la peine avant le 29 juillet 2025 est un accroissement d’impôt de 10% appliqué par l’administration fiscal selon l’ancien article 444 CIR, le juge pénal appelé à se prononcer sur votre dossier ne devrait-il pas appliquer la peine la moins forte, soit 0% car vous êtes de bonne foi ?