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Un accroissement d’impôt de 10% : vers une remise en question de son application systématique en cas de première erreur de bonne foi ?

Alyssa Aïssa, 30 avr. 2025

Le cadre légal et la pratique administrative

L’article 444 du CIR92 prévoit qu’en cas d’absence de déclaration fiscale, d’introduction tardive, ou encore de déclaration incomplète ou inexacte, l’administration peut établir un accroissement d’impôt, allant de 10% à 200%. Un arrêté royal fixe les pourcentages en fonction de la nature de l’infraction, de sa gravité et de sa fréquence.

En cas de bonne foi et de première infraction, le pourcentage d’accroissement est fixé à 10 %. Toutefois, le §2 de l’article 444 du CIR92 précise qu’en l’absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 %.

En dépit de cette marge d’appréciation, il est fréquent d’observer que, dans la pratique, l’administration fiscale impose systématiquement un accroissement d’impôt en cas de première infraction de bonne foi.

 

Arrêt de la Cour constitutionnelle
du 21 novembre 2024

Dans une affaire où la Cour constitutionnelle a été saisie d’une question préjudicielle concernant la limitation de la déduction prévue dans l’ancien article 207, alinéa 7 du CIR (actuellement l’article 206/3, §1er CIR92), elle aborde brièvement la question de l’accroissement d’impôt. Elle y précise dans ses observations que l’accroissement d’impôt s’applique « en cas de récidive » et non lorsqu’il s’agit d’une première erreur de bonne foi (considérants B.7 et B.8 de l’arrêt).

Bien que cette observation soit marginale dans l’arrêt et que la notion de bonne foi n’y soit pas définie, l’arrêt a été commenté par de nombreux auteurs comme un signal fort en faveur du contribuable.

 

Une perspective d’ajustement ouverte par le Ministre des Finances

Bien que marginales dans cet arrêt, les observations de la Cour ont néanmoins retenu l’attention du Ministre des Finances. Lors des questions parlementaires du 25 novembre 2024, celui-ci a confirmé que l’arrêt de la Cour reconnaît qu’une majoration de 10 % ne doit pas être appliquée en cas de première erreur de bonne foi. Il a également souligné qu’une application correcte des principes prescrits par l’article 444 du CIR implique qu’aucune sanction inutile ne soit imposée à un contribuable de bonne foi.

 

Un enthousiasme tempéré

Ces positions ont suscité de nombreux commentaires enthousiastes, laissant espérer une évolution favorable de la pratique administrative. Toutefois, deux communiqués des cours d’appel d’Anvers et de Gand sont venus nuancer ces espoirs. Les juridictions y affirment que l’administration conserve la faculté – et non l’obligation – de renoncer à l’accroissement, même en cas de bonne foi.

Elles rappellent que la loi ne fait pas de la bonne foi un motif automatique de dispense, mais une simple possibilité d’assouplissement.

 

Proposition de loi en cours de discussion

Une proposition de loi visant à supprimer l'accroissement d'impôt en cas de première infraction commise de bonne foi a été déposée à la Chambre fin janvier. Elle prévoit de modifier l’article 444 du CIR92 en précisant qu’en l’absence de mauvaise foi, il est renoncé au minimum de 10 % d’accroissement lorsqu’il s’agit d’une première infraction. 

Cette réforme permettrait de mieux encadrer la politique d’abandon d’accroissement et de restaurer la confiance entre l’administration fiscale et les contribuables. La proposition de loi est en cours de discussion et il conviendra d’observer si le législateur décidera de son adoption.

 

Conclusion

L’arrêt de la Cour constitutionnelle, interprété par de nombreux auteurs comme un signal en faveur des contribuables de bonne foi, n’a pas, à e jour, remis en cause la pratique administrative consistant à appliquer systématiquement un accroissement d’impôt de 10% en cas de première infraction de bonne foi. Cette approche a d’ailleurs été confortée par les communications des cours d’appels de Gand et d’Anvers.

Seule une réforme législative permettra de clarifier et d'encadrer de manière définitive l'abandon de l'accroissement. En attendant une telle évolution, le contribuable conserve le droit d'introduire une réclamation pour contester l'application de l'accroissement en cas de première infraction de bonne foi, dont l'issue sera soumise à l’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale,  au cas par cas.