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La future taxe sur le plus-values sur actions : déclarer pour mieux taxer

Suzon Nyssen, 24 de out. de 2025

La Belgique devrait prochainement franchir le pas de la taxation des plus-values sur actions. La presse en parle depuis des mois, et tout semble déjà acquis dans l’esprit des politiques, à un détail près : cette mesure n’est toujours qu’une note politique et n’a pas encore été présentée à la Chambre des représentants. Aucun projet de loi n’a encore été publié, il n’y a donc aucun travail parlementaire entamé sur le sujet.

Le gouvernement annonce cette taxation en grande pompe depuis neuf mois, mais les seuls textes qui existent à ce stade-ci sont des brouillons d’avant-projets de loi (avec track-changes s’il-vous-plait), qui ne peuvent que mettre en exergue le chantier que cette réforme représente.

Il est toutefois intéressant de tendre l’oreille aux bruits de couloir, au cas où le projet de loi serait déposé in extremis en décembre pour être discuté sous bénéfice de l’urgence et voté en turbo avant son entrée en vigueur à partir de 2026.

Dans les grandes lignes, le régime prévoirait donc, parallèlement aux régimes de taxation existants de certaines plus-values comme revenus divers ou revenus professionnels, une cotisation de solidarité sur les plus-values sur actifs financiers, calculée sur la création de valeur à partir du 1er janvier 2026 à un taux de 10% (ou un progressif jusque 10% en cas de participation substantielle).

 

A. Le Régime annoncé – une taxation des plus-values à un taux raisonnable

1.   Cotisation de solidarité

Il ne s’agit pas de modifier le principe de (non) taxation des plus-values de façon générale, mais de créer une nouvelle cotisation avec un régime propre voué à coexister avec les autres. Nous connaissons déjà dans notre législation fiscale le principe de taxation des opérations qui sortent du cadre de gestion normale de patrimoine privé (au titre de revenu divers à 33%). Ce principe fiscal reste valable. Des opérations qui seraient qualifiées de spéculatives ou des plus-values internes pourraient donc potentiellement rester taxables à 33%. Sera-t-il prévu une exclusion spécifique pour les plus-values déjà soumises à la cotisation de solidarité ? le texte de loi nous le dira.

 

2.   Actifs financiers

Cela vise les actions, mais également certains contrats d’assurance (notamment d’épargne et 
d’investissement), les crypto actifs, et les devises. Il faudra donc être attentif au type d’exonération qui sera instauré afin d’éviter les doubles taxations de certains produits qui ont déjà un régime de taxation propre.

 

3.   Aliénation

La cotisation aurait vocation à s’appliquer aux cessions à titre onéreux. Sont donc visées les ventes d’actions, mais également les attributions du vivant de l’assuré (pour les assurances-vie) et les émigrations de société. Les donations en revanche ne sont pas visées par la mesure.

 

4.   Création de valeur à partir du 1er janvier 2026

Les plus-values historiques seraient exonérées. Il faudra donc pouvoir déterminer la plus-value à partir d’une valeur de départ qui est celle au 31/12/2025. La méthode de valorisation utilisée va avoir ici une importance cruciale puisqu’en fonction du secteur d’activité les méthodes de valorisation peuvent varier du tout au tout : valorisation sur base de l’EBITDA ? 
Du chiffre d’affaires ? Des capitaux propres rectifiés ? Du cash-flow libre ? Quels multiples ? Quels ajustements réaliser ?

Plusieurs méthodes de valorisation seraient possibles (la valeur la plus haute étant celle qui serait retenue) :

  • valeur utilisée lors d’un acte antérieur en 2025 (cession/constitution/augmentation de capital etc),
  • valeur résultant d’une méthode déjà utilisée contractuellement,
  • capitaux propres + EBITDA x 4
  • autre valorisation faite au moyen d’un rapport établi par un Réviseur d’entreprise ou Expert-comptable certifié.

Bien entendu, ceci soulève un certain nombre de questions. Un.e dirigeant.e actionnaire qui envisage de vendre sa société en 2026 aura tout intérêt à en maximiser la valeur au 31/12/2025 pour réduire la base de taxation. On pourrait décider de ne pas verser de rémunération pour cette année, maximisant ainsi le résultat de la société et donc la valeur des actions (tant au moment de la vente qu’au 31/12/2025). Dans les couloirs du gouvernement, on parle de normaliser le salaire des dirigeants afin d’éviter les distorsions de l’EBITDA à ce niveau, et cette logique de normalisation pourrait être transposée à tout type d’opérations venant affecter la valeur comptable d’une entreprise.

 

5.   Taux d’imposition

Les taux annoncés pour cette cotisation sont de deux ordres :

  • Un taux général de 10%
  • En cas de participation substantielle (≥ 20%), un taux progressif de 0 à 10% :

 

B. La déclaration des plus-values : la porte ouverte aux requalifications en revenus divers ou professionnels

 

Il n’est pas déraisonnable d’envisager que cette nouvelle mesure reflète une volonté de justice fiscale. Les taux de taxation annoncés (de 0 à 10%) ne sont pas confiscatoires, et restent bien en deçà des différentes taxations qui existent sur le travail, les pensions, les dividendes, les loyers etc.

Mais au-delà de la taxation en tant que telle des plus-values réalisées, c’est la mécanique de déclaration qui s’avère être la véritable révolution : jusqu’à présent les contribuables (personnes physiques) qui cèdent des actions ne doivent pas systématiquement déclarer ces ventes.

En instaurant une taxation, même extrêmement faible, le législation impose aux contribuables de déclarer exhaustivement toutes les opérations qu’ils réalisent. Et si cette cotisation de solidarité semble annoncée comme étant strictement défini et encadrée, il n’en est pas de même des autres taxations au titre de revenus divers qui existent déjà pour les plus-values sur actions.

En effet, le régime actuel (qui n’a pas vocation à disparaitre) prévoit la taxation comme revenu divers à 33% des « plus-values sur actions ou parts qui (…) sont réalisées à l'occasion de la cession à titre onéreux de ces actions ou parts, en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle, à l'exclusion des opérations de gestion normale d'un patrimoine privé ».

Et là où le bât blesse, c’est que la notion de gestion normale de patrimoine privé est floue, encadrée non pas par une législation stricte et claire mais par une interprétation doctrinale et jurisprudentielle mouvante.

L’enjeu majeur de cette mesure est don en réalité est la création d’un mapping de toutes les opérations réalisées, qui permettra au Fisc d’analyser et potentiellement contester la qualification donnée par les contribuables à leurs opérations.

Une plus-value qui serait initialement déclarée sous le nouvel égide de la cotisation de solidarité pourrait ainsi se voir requalifiée en plus-value spéculative (en dehors de la gestion normale d’un patrimoine privée) taxée à 33% ou en plus-value professionnelle (taxée au taux progressive IPP et soumise aux cotisations sociales).

Nous ne pouvons donc qu’encourager les contribuables à rester attentifs à la nature des opérations qu’ils effectuent, et à consulter leurs conseillers avant toute prise de décision afin de planifier correctement la taxation qui s’appliquera à leur situation afin d’éviter toute mauvaise surprise a posteriori.