
Historiquement, le régime fiscal belge prévoit une taxation avantageuse des droits d'auteur à un taux distinct de 15% (article 17, §1, 5° du CIR 92), contre une taxation progressive pouvant atteindre 50% pour les revenus professionnels ordinaires. Ce régime vise à encourager la création intellectuelle et artistique.
À partir de 2023 le régime a subit deux modifications substantielles :
Ces conditions ont considérablement restreint l'accès au régime, particulièrement pour les créations techniques, scientifiques ou développées en interne sans vocation de diffusion publique.
L'accord de coalition du gouvernement formé début 2025, prévoit la réintégration du secteur informatique dans le champ d'application du régime fiscal des droits d'auteur. Cette décision répond aux critiques du secteur technologique belge qui dénonçait une discrimination et un affaiblissement de la compétitivité.
Toutefois, et bien que cela n’ait pas été mentionné, il est évident que cette réintégration s'accompagne d'une réserve importante : le maintien de la condition d'exploitation ou de diffusion au public.
Cette exigence soulève des interrogations pratiques majeures : un logiciel développé exclusivement pour les besoins internes d'une entreprise, sans diffusion externe, ne remplirait pas cette condition. de même, un logiciel créé spécifiquement pour un client unique pose question quant à sa qualification de "diffusion au public".
Cette condition risque donc de limiter considérablement l'effet pratique de la réintégration annoncée, créant potentiellement une distinction entre développeurs IT selon la destination finale de leurs créations.
En décembre 2025, le gouvernement a annoncé une mesure fiscale supplémentaire concernant le régime des droits d'auteur : la suppression de la déductibilité forfaitaire des frais professionnels pour les bénéficiaires ne disposant pas d'une attestation du secteur des arts.
Cette mesure crée une taxation différenciée au sein même du régime des droits d'auteur, pénalisant particulièrement :
Pour un revenu brut de droits d’auteur de 20.000 €, la taxation effective sera doublée pour les auteurs qui ne relèvent pas du secteur des Arts.
L'accumulation des conditions et distinctions (attestation artistique, exploitation publique, secteur IT ou non, déductibilité des frais) crée une insécurité juridique importante. Les contribuables et leurs conseils fiscaux doivent naviguer dans un cadre devenu extrêmement technique.
La différenciation entre créateurs "artistiques" et "techniques" soulève des questions d'équité fiscale. Pourquoi un graphiste web bénéficierait-il d'un traitement plus favorable qu'un développeur de logiciel, alors que les deux créent des œuvres intellectuelles protégées par le droit d'auteur ?
La notion de diffusion au public n'est par ailleurs pas définie précisément dans la législation fiscale. Cette imprécision génère des zones grises : Quel niveau de diffusion est requis ? Les œuvres confidentielles ou sous NDA sont-elles exclues ? sans clarification législative, l’administration fiscale bénéficie d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire qui pourrait entrainer des traitement différenciés.
L'accord de gouvernement, tout comme l’annonce de fin d’année, ne constituent qu'une intention politique en attente de leur traduction en dispositions légales concrètes.
Quoi qu’il en soit, si votre activité qualifie comme artistique, n’hésitez pas à réclamer systématiquement votre Attestation des Arts.
Le régime fiscal des droits d'auteur en Belgique connaît une période de transformation profonde. Entre l'exclusion du secteur IT en 2023, son hypothétique réintégration conditionnée en 2025, et la suppression annoncée de la déductibilité des frais pour les non-détenteurs d'attestation artistique, le paysage fiscal devient particulièrement complexe.
Cette évolution reflète la tension entre deux objectifs légitimes : préserver un régime fiscal incitatif pour la création authentique, tout en luttant contre les abus et optimisations fiscales excessives. Toutefois, la multiplication des conditions et distinctions risque de créer davantage d'insécurité juridique que de clarté.
Les mois à venir seront déterminants pour comprendre l'application concrète de ces réformes. En attendant, les créateurs et entreprises concernés doivent faire preuve de prudence, documenter rigoureusement leurs activités et, idéalement, solliciter un avis fiscal préalable avant d'opter pour le régime des droits d'auteur.
