La réserve de liquidation – Principe
Une petite société au sens de l’article 1:24 du CSA peut affecter tout ou une partie de son bénéfice comptable après impôt à une réserve de liquidation, moyennant le paiement d’une cotisation distincte de 10 %. Si cette réserve est maintenue pendant au moins cinq ans, elle peut ensuite être distribuée aux actionnaires moyennant un précompte mobilier réduit de 5 %. En cas de distribution anticipée, soit avant l’échéance des cinq ans, le taux de précompte est porté à 20 %. Si la réserve de liquidation est distribuée dans le cadre de la liquidation de la société, aucun précompte mobilier n’est dû.
Une société en liquidation
L’objectif premier de la réserve de liquidation est de permettre une exonération fiscale en cas de distribution de la réserve au moment de la liquidation de la société.
Mais est-ce un abus fiscal de constituer une réserve de liquidation peu de temps avant la dissolution et la liquidation de sa société ? Il est clair que cette démarche vise à bénéficier de l’exonération fiscale prévue en cas de liquidation et éviter le précompte mobilier de 30% applicable au boni de liquidation.
La liquidation d’un société se fait par étapes : dans un premier temps la société (ayant encore des actifs et des dettes) est dissoute mais elle continue d’exister pour les besoins de sa liquidation jusqu’à la clôture de sa liquidation. Il peut s’écouler plusieurs exercices comptables entre la dissolution et la clôture de liquidation. En 2015, le Ministre des Finances a précisé qu’une société en liquidation peut constituer une réserve de liquidation (sous réserve d’abus fiscal). Constituer une réserve de liquidation l’année précédant l’exercice comptable de la clôture de liquidation peut donc être admis, sous réserve d’abus fiscal. Il n’est en revanche pas possible de constituer une réserve de liquidation pour l’exercice de clôture de liquidation dans la mesure où la constitution de la réserve nécessite une affectation du résultat et le paiement de la cotisation distincte, impossible post-clôture de liquidation puisque la société n’existe plus.
La notion d’abus fiscal
On peut s’interroger sur les situations dans lesquelles l’opération pourrait être considérée comme un abus fiscal.
Pour que l’art. 344, §1er du CIR (disposition générale anti-abus) puisse s’appliquer, le contribuable doit avoir posé un acte ou un ensemble d’actes par lequel il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition, dont l'octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l'obtention de cet avantage.
Il convient donc de revenir à l’exposé des motifs du projet de loi instaurant la réserve de liquidation afin de connaitre l’objectif du législateur en instaurant une exonération fiscale lors de la liquidation : « En réaction aux plaintes de beaucoup d’indépendants qui exercent leurs activités sous forme de société et qui s’attendaient à pouvoir distribuer à l’avenir leurs réserves en cas de liquidation à un taux de 10 p.c, il était mentionné dans l’accord du gouvernement de rendre permanent »
L’intention du législateur est claire : offrir un taux réduit de 10% aux indépendants cessant définitivement leur activité exercée en société. Dès lors, la constitution d’une réserve de liquidation en vue d’une dissolution et liquidation à court terme n’est pas en soi contraire à cet objectif.
Toutefois, si le contribuable, après avoir liquidé sa société et perçu le montant de la réserve de liquidation récemment constituée, poursuit en réalité la même activité via une autre structure, il y a lieu de considérer qu’il a cherché à bénéficier de manière anticipée du régime fiscal favorable de la réserve de liquidation, sans mettre un terme réel à son activité professionnelle. Une telle démarche est susceptible d’être qualifiée d’abus fiscal, dès lors qu’elle contrevient à l’objectif poursuivi par le législateur.
La position du Service des Décisions Anticipées (SDA)
Plusieurs rulings confirment qu’il n’y a pas d’abus fiscal lorsqu’une société en liquidation transfère la plus-value réalisée sur la vente d’un immeuble à la réserve de liquidation l’année précédant la liquidation de société. Cette position a été récemment confirmée par le SDA en 2024, dans un cas où des actionnaires envisageaient de mettre un terme à leur activité professionnelle en vue de leur départ à la retraite. Ils souhaitaient vendre les actifs immobiliers détenus par la société, constituer une réserve de liquidation pour les bénéfices de l’exercice comptable de l’année en cours, puis procéder l’année suivante à une liquidation en un seul acte. L’objectif était donc que cette réserve soit distribuée aux actionnaires sans payer le boni de liquidation de 30%. Le SDA a confirmé que cette opération, puisqu’elle s’inscrivait dans un véritable contexte de cessation d’activité, ne constituait pas un abus fiscal.
Modification du régime pour 2026
Le projet de loi-programme modifie le régime des réserves de liquidation afin de l’aligner sur celui du régime VVPRbis en prévoyant :
- La réduction du délai d’attente de distribution pour bénéficier du taux réduit, passant de 5 ans à 3 ans ;
- Une augmentation du taux de précompte mobilier applicable en cas de respect de ce délai de 5% à 6,5% ;
- La suppression du taux de 20%. Les distributions intervenant avant l’expiration de ce nouveau délai seront soumises au taux de 30%.
Le texte, récemment approuvé par le conseil des Ministres, prévoit une période transitoire pour les réserves de liquidation constituées avant le 1er janvier 2026. Ces réserves continueront de bénéficier du taux de 5% en cas de distribution après le délai d’attente de 5 ans, de 20% en cas de distribution avant le délai de 3 ans et un taux intermédiaire de 6,5% serait d’application pour les distributions réalisées entre la troisième et cinquième année.
L’exonération de précompte mobilier en cas de distributions lors de la liquidation de la société est quant à elle maintenue.
Encore une fois, il est important de souligner qu’il ne s’agit pour l’instant que d’un projet de loi-programme, qui n’a pas encore été adopté par le législateur. Il faut attendre l’adoption définitive de la loi pour se prononcer.